Ce matin avec l'ensemble des conseillers généraux de la Seine-Saint-Denis, j'ai rencontré
Marylise Lebranchu, Ministre de la Réforme de l'Etat, de la décentralisation et
de la Fonction Publique, au Conseil général.
Au nom du groupe "Front de gauche", Gilles Garnier a prononcé le discours ci-dessous :
Madame La Ministre,
Votre présence parmi nous ce matin témoigne de l'attention que vous portez à la concertation avec les collectivités locales et singulièrement avec notre
département.
Nous abordons cette rencontre dans un esprit constructif avec l'espoir que ce moment d'échange soit utile, sans plus attendre nous vous soumettons quelques avis et
questionnements sur les grands sujets qui nous préoccupent en ce début d'année 2013.
Il s'agit de la réforme des collectivités territoriales et de l'élection des conseillers départementaux, des finances du département et de l'avenir de la
Métropole parisienne.
La réforme des collectivités territoriales, si nous saluons le rejet du conseiller territorial voulu par le précédent gouvernement, le nouveau projet de loi visant à instaurer un nouveau mode de scrutin avec l'élection
d'un binôme de candidats de sexes différents dans des cantons dont le périmètre serait doublé et le nombre divisé par deux pourrait amener à un rétrécissement du pluralisme.
Certes la parité entrerait dans le conseil départemental, mais les deux élus sur un nouveau territoire seraient de même sensibilité, alors que sur ce même
périmètre, il peut, aujourd'hui, y avoir deux élus de sensibilités différentes.
Il y a un autre argument : quel type d’élu voulons nous ?
Il n’est pas raisonnable à moins de cantoner les conseillers départementaux dans des tâches uniquement administratives ou de simple gestion nous aurons encore plus
de mal à exercer un travail de proximité.
Si nous voulons enrayer la crise démocratique que connaît notre pays, nous proposons d'étendre la proportionnelle à l'élection départementale, seul échelon qui n'en
serait pas pourvu. C'est le seul mode électoral qui peut permettre le respect du pluralisme et la parité, deux principes essentiels permettant, entre autres, une lutte efficace contre cette
fracture démocratique.
Nous sommes attachés au maintien de la clause de compétence générale, un des deux critères essentiels de la définition d'une collectivité territoriale permettant la
cohérence d'une politique locale réellement adaptée aux besoins des populations.
Concernant les finances du département et la décentralisation, alors que nous connaissons de graves
difficultés pour répondre aux besoins des populations, où l'heure serait à renforcer et étendre les services publics locaux, il est demandé aux collectivités et donc à la notre de réduire encore
ses dépenses, or vous le savez les dépenses sociales explosent et les recettes diminuent.
De fait, il nous manque de 30 € à 40M d'€ pour boucler notre budget cette année et ce n'est pas affaire de mauvaise gestion ou d'erreur du passé. Même si la
compétence générale ne nous est pas retirée, nous sommes contraints de nous focaliser sur nos compétences obligatoires et encore sans les moyens nécessaires puisqu'à l'automne dernier, nous avons
voté une décision modificative au budget 2012 afin de lever un emprunt pour payer nos investissements et libérer ainsi des fonds pour régler le RSA.
Ce double phénomène de paupérisation de la population et de transfert de compétences non financé plonge notre département dans une situation gravissime.
C'est pourquoi, concernant l'acte III de la décentralisation, s'il devait y avoir de nouveaux transferts de compétences, il est exclu pour notre part qu'ils ne
soient accompagnés de l’attribution des moyens nécessaires. Nous refusons de nouveaux désengagements. En 2004, le gouvernement Raffarin a transféré aux Conseils généraux l’ensemble des politiques
sociales (RSA, APA, PCH), la prise en charge des personnels non enseignants des collèges, l’entretien des routes nationales et de fait l’accueil des mineurs isolés. Cela a eu pour conséquences de
couper dans les dépenses utiles comme ce fut le cas pour remboursement à 50% de la carte Imagine R, l'aide à l'achat d’ordinateur pour les collégiens de sixième, soutien financier aux
communes dans la construction d’équipements sportifs ou culturels... et sur lesquels il nous faudrait pourtant revenir.
Dans un département dont la population est particulièrement frappée par le chômage, la précarité, vous connaissez la facture que nous laissent les transferts de
compétences de l'Etat vers le département depuis 8 ans. L'Etat doit plus d'1 milliard à la Seine Saint Denis, soulignons également les conséquences de la
suppression de la taxe professionnelle avec le maintien du ticket modérateur, et les aléatoires rentrées des DMTO.
Nous soutenons une nouvelle décentralisation pour répondre au plus près aux besoins grandissants de la population mais avec obligation pour l’Etat de nous fournir
les moyens correspondants car l’unique mutualisation des moyens des collectivités sera insuffisante.
De même, nous appelons de nos vœux une grande réforme de la fiscalité qui établisse la justice mettant à contribution le capital au même titre que le travail ainsi
qu'un retour à une plus grande autonomie fiscale des collectivités permettant un équilibre sain entre dotations suffisantes de l'Etat aux collectivités et ressources propres. Il doit y avoir une
relation fiscale pérenne entre l’entreprise et le territoire. Bien souvent, si les sièges sociaux s’installent en Seine Saint Denis c’est une bonne chose mais souvent leurs salariés ne viennent
pas de notre département. Nous ne pouvons admettre d’avoir à mendier l’aide des fondations privées alors que c’est l’impôt qui doit être la source de la solidarité.
Le gouvernement entend il fournir les recettes nécessaires aux collectivités ?
De quelle façon ? Quels sont les grands traits de la nouvelle fiscalité locale que vous entendez mettre en place ?
Dans ce contexte général le gel de la DGF est un coup très dur pour les collectivités et pour l'intérêt général, c'est un très
mauvais signe pour l'avenir.
La spirale de la baisse des dépenses publiques, et donc des investissements ne sera pas enrayée et engendrera immanquablement un approfondissement de la crise avec
des réductions d'emplois et de services publics locaux. Cela nous mène tout droit à une sorte de balkanisation de la République. Ainsi, les inégalités de
moyens se creusent entre collectivités aggravant les inégalités d'accès aux droits des citoyens.
Ce serait Justice et une réelle marque de "changement à gauche", qu'avant tous nouveaux transferts et avant toute réforme de la fiscalité,
l'Etat s'acquitte des moyens que nous avons assuré à sa place pour 2012, année qui a enfin vu arriver une nouvelle majorité. Cette somme s'élève à 304 M€ dont 200 M€ pour les seules
allocations de solidarité nationale.
Pouvons- nous compter sur un premier geste à cette hauteur ?
Quelle serait votre approche sur cette proposition ?
En terme d''efficacité sociale et économique, nous appelons une réforme de la fiscalité des collectivités qui
rétablisse un lien entre les collectivités et les entreprises.
Entendez- vous l'établir ?
L'amélioration du mécanisme de la péréquation horizontale est souvent évoquée, nous souhaiterions entendre votre projet sur la solidarité nationale.
Quel nouveau transfert envisagez- vous vers les départements et avec quelle compensation ? par exemple concernant l'AAH et les
ESAT
La Métropole, Paris Métropole est un acteur incontournable et même
s'il n'a pu produire de livre blanc, le débat doit se poursuivre.
Un passage en force dans la métropole francilienne serait immanquablement voué à l'échec. Les questions du périmètre, de la péréquation et des compétences restent
en débat et l'expérience montre que ce débat peut avancer.
Pour nous, il s'agit d'un processus qui ne pourra s'ancrer que sur une libre adhésion des collectivités sans établir le préalable de la disparition des
départements.
Nous avons la vision d'une coopérative de projets à partir des besoins des populations et prenant en compte la diversité des territoires.
Nous sommes attachés à ce que le texte de loi prenne bien en compte le rôle de la commune, la nécessité de boucler l'intercommunalité en Ile de France et que
celle-ci soit fondée sur des dynamiques de territoires et de construction comme une coopérative des villes.
Notre vision du pôle métropolitain repose sur les grandes agglomérations qui sont elles mêmes des coopératives. Ce pôle doit donc être la coopérative des
coopératives. Un lieu de mutualisation, de cohérence métropolitaine, de définition d'objectifs communs en lien avec la région et les huit départements d'Ile de France qui en feraient
partie.
Il faut continuer à débattre sur les compétences. Une définition des compétences à priori qui enlèverait aux uns pour donner aux autres serait vouée à l'échec. Nous
proposons d'aller à des coopérations de compétences où dans chaque domaine serait aménagé des tours de table. Sans doute, cela rendrait le chemin plus long mais il garantirait les chances
d'aboutir pour des prises de décisions correspondant aux attentes des populations.
Le scénario d'une gouvernance des 4 départements (75, 92, 93, 94 – soit 6,5 millions d'habitants) est rejeté par une majorité d'élus. La région serait écartée des
débats et décisions en recréant une nouvelle centralité, un dedans et un dehors avec tout ce que cela entraine en terme d'exclusion.
Quelle est votre vision de la création de cette métropole ?
Comment l'Etat entend il dynamiser le débat nécessaire ?
Je vous remercie de votre attention.