Monsieur le Président,
cher-e-s collègues,
A cet instant du débat d’orientation budgétaire, je souhaite que nous jetions ensemble un coup d’œil dans le rétroviseur.
2010 : c’est le budget en déséquilibre, le budget de révolte.
2010 : c’est aussi la suppression de l’aide à l’achat d’ordinateurs pour les entrants en 6ème, la réduction drastique du nombre de bénéficiaires du
remboursement à 50% du coût de la carte Imagine-R, les coupes sombres dans les subventions aux associations.
D’ailleurs « Livre au trésor », association œuvrant à la découverte de la lecture en Seine Saint Denis, reconnu par les professionnels de l’éducation et
les parents, a cessé ses activités.
2010 : c’est encore la mise en place des appels à projets pour les associations qui a vu nombre d’entre elles amputé des fonds nécessaires à leur
fonctionnement, ce fut le cas pour l’association Chroma avec Zebrock ; c’est la menace constante de la fin au soutien du salon du livre de Jeunesse de Montreuil, la suppression de 116
emplois de remplaçants hors poste, le recul des dépenses en matière d’écologie, le recul constant de 5% des dépenses de fonctionnement et encore cette année ...
Ces coupes, je n’arrive toujours pas à les passer en perte dans la rubrique « pertes et profits ».
Car, en Seine-Saint Denis, département où l’urgence sociale reste toujours aussi prégnante, personne ne peut se satisfaire des reculs des services publics.
L’année dernière, ces coupes ont été entérinées. D’autres s’y sont ajoutés. Un premier frein apparaissait déjà sur le soutien à l’investissement dans les
communes.
Avec les collègues de mon groupe, je me rappelle avoir bataillé ferme, le 19 mai 2011, en ce même lieu, pour réclamer l’inscription de 14 projets d’équipements
issus de ma délégation et qui étaient alors abandonnés. Où alors ces nouveaux critères de soutien à l’investissement dans les villes, étalé sur 10 ans et borné à 100 000 d'€ par an et par
projet.
Aujourd’hui, sans bruits, sans révolte, sans budget militant, les orientations proposées et les quatre axes projets présentés dans le rapport entrainent de
nouvelles coupes et de nouveaux freins, de nouvelles donnes s’ils veulent être menés à bien : l’abandon ou le ralentissement des travaux sur les voiries et les précédentes routes nationales,
le gel de postes dans la prévention spécialisée, l’abandon de recrutement dans le secteur social, le recul des dispositifs d’insertion, la suppression de la calculatrice et des cahiers de TD pour
les collégiens, une nouvelle réduction de 5% des dépenses de fonctionnement, le recours aux partenariats public privé, cheval de Troie de la marchandisation de l’éducation des collégiens, par
exemple et le déjà tristement célèbre moratoire sur les nouveaux projets d’investissements dans les communes annoncé le 26 janvier dernier. Et qui ne sera pas sans conséquences pour les raisons
suivantes.
Depuis le 1er janvier, le financement des collectivités est en panne sèche. Dexia, sous perfusion de l’Etat, n’est plus autoriser à distribuer un euro de
prêt.
Les banques soumises aux nouvelles règles de fonds propres ont fermé le robinet du crédit.
Seuls Le Crédit agricole et les Banques Populaires / Caisse d’épargne prêtent encore mais à des conditions durcies avec ordre de leur président de prêter uniquement
l’équivalent de qui leur est remboursé.
A eux d’eux, ils ne pourront fournir que 6 milliards et demi d’€ de prêts. Pas davantage. De son côté, la Caisse des dépôts et
consignations, soutien de l’Etat pour les politiques publiques, a consommé toute l’enveloppe de 5 milliards d’€ de prêts d’urgence, débloquée à l’automne 2011, pour pallier au retrait brutal de
Dexia.
Cet assèchement provoque une situation inédite : il manquera, pour 2012, 10 milliards d’€ sur un besoin de financement global de 22 milliards.
Pour calmer les esprits, l’Etat a annoncé la création d’une nouvelle banque du secteur local, pilotée par la CDCet la
Banquepostale.
Mais au regard des besoins, pourra-t-elle faire face ? Dans quelles conditions et à quels taux prêtera ce nouvel organisme ? D’autant que les dernières
déclarations du Président de la République ne prête pas à l’optimisme lorsqu’il déclare dans le Figaro magazine de samedi dernier : « je souhaite
que les collectivités fassent cet effort volontaire – soit la réduction des dépenses. Sinon il faudra trouver les moyens pour que les dotations de l’Etat soient modulés en fonction de leur
politique de maîtrise des dépenses ».
Les prêts seront-ils alors soumis à ce nouveau jeu de la carotte et du bâton. Je le crains, j’en suis sûr !
C’est dans ce contexte brutal et gravissime que nous sommes prêts à faire subir aux communes un grand délestage tel que nous en avons été victime lors de l’acte II
de la décentralisation, lorsque l’Etat s’est débarrassé de la majeure partie de ses politiques et de ses dépenses sociales : RSA, APA, PCH, avec une facture de plus de 900 millions d’€ à la
clef.
Car, c’est ainsi que nous ressentons durement le moratoire que vous proposez Monsieur le Président.
Et je crains Monsieur le Président comme vous l’avez précisé dans votre intervention que les villes pauvres seront encore plus pauvres. Je pense en particulier aux
villes comme Clichy, Montfermeil, Pierrefitte, Sevran et Stains.
De fait, les communes n’ont que deux choix possibles : soit elles inscrivent coute que coute leurs investissements au budget sans garantie de prêts, donc de
réalisation ou à des taux défavorables, voir « toxiques ».
Soit elles suspendent l’investissement et mettent en sommeil des projets attendus par les populations.
Dans 3 ans, puisque c’est la durée proposée du gel de notre soutien, la situation aura-t-elle changée ? La réforme de la fiscalité locale et la suppression de
la taxe professionnelle grèvent durablement le niveau de nos recettes et notre autonomie financière.
Car arrêtons-nous sur quelques chiffres : la suppression de la TP a entrainé une perte de 9 milliards et demi d’euros
pour les collectivités en 2009.
Aujourd’hui, le manque à gagner est estimé par l’Etat lui-même à presque 7 milliards d’€ chaque année au lieu des 4,7 milliards d’€ annoncé précédemment par les
mêmes.
La seule maitrise du foncier bâti ne rapporte que 3,18 millions d’€ par point si nous nous décidions à le lever.
Mais je m’y refuse comme les collègues de mon groupe. Le répit accordé par la montée des droits de mutations sera de courte durée.
Et est-ce bien raisonnable d’asseoir des dépenses pérennes sur des recettes aléatoires ?
L’Etat, que la majorité change ou non, mettra-t-il enfin en place une péréquation verticale, voire enfin s’acquitter de la facture de la
décentralisation ?
Pour toutes ses raisons, je partage comme mes collègues qui se sont exprimés précédemment, que le recours au moratoire soit une très mauvaise nouvelle pour les
villes et ses habitants.
Car pour assurer notre équilibre budgétaire, le soutien à l’investissement dans les communes ne doit pas devenir une marge de manœuvre ou pire une variable
d’ajustement.
D’autres solutions existent. Elles ne résident pas dans le creuset de la réduction des dépenses mais dans celui de l’augmentation des recettes.
Elles ne résident pas dans le seul périmètre du Conseil général mais bien au-delà.
J’en veux pour preuve la proposition de mes collègues du groupe Front de gauche au Sénat lors du débat sur la réforme des collectivités : la création d’un fond
de péréquation en faveur exclusive des collectivités territoriales, assis sur une taxation des actifs financiers des entreprises. Si un taux de 0,3% leur était appliqué, 18 milliards d’€ seraient
immédiatement levés.
Et ceci chaque année. Il est là Monsieur le Président « Le Grisbi ». Si nous avons entendu votre proposition de rapprochement entre Paris avec la
Seine-Saint-Denis, le Val de marne et les Hauts de seine, nous ne pouvons assurer notre survie financière en allant taper les recettes des départements
voisins.
Mais un sursaut salutaire, citoyen, rassembleur et populaire reste toujours nécessaire pour que le Premier Ministre ou le Président de la
République, surtout si il y a un changement de titulaire le 6 mai à 20h et une seconde, s’empare enfin du dossier des finances locales avec bienveillance.
Au sein de notre groupe, nous militons en ce sens. Et nous ne sommes pas les seuls comme en attestent les propos que je vous livre ici : « Il y a des
investissements importants difficilement différables, de long terme ou adossés à des subventions. L’Etat, obnubilé par la dette, doit soutenir la dépense publique lorsqu’elle finance
l’investissement » et ses propos ont été tenus par Philippe LAURENT, maire de Sceaux, Président de la Commission des finances de l’Association des
maires France, à l’étiquette Divers Droite.
Merci de votre attention.